26/11/2018
Ian McEwan : L’Intérêt de l’enfant
Ian McEwan, né en 1948 à Aldershot, est un romancier et scénariste britannique. Il a passé une grande partie de sa jeunesse en Extrême-Orient à Singapour, en Afrique du Nord (en Libye) et en Allemagne, où son père, officier écossais dans l’armée britannique, était en poste. Il a fait ses études à l’université du Sussex et l’université d'East Anglia, où il a été le premier diplômé du cours d’écriture créative créé par Malcolm Bradbury. Dès le début des années 1980, Ian McEwan s’impose sur la scène littéraire britannique et plusieurs de ses ouvrages ont été adaptés pour le cinéma comme ce roman datant de 2015 : En 2017, il est adapté sous le titre de « My Lady » par le cinéaste britannique Richard Eyre, avec Emma Thompson dans le rôle de la juge.
Londres. Fiona Maye juge aux affaires familiales, se trouve confrontée à un cas complexe et urgent : Adam Henry, un adolescent de 17 ans atteint de leucémie, nécessite une transfusion sanguine dans les prochaines heures sinon il mourra ou trainera le reste de ses jours des séquelles paralysantes et graves. Or, ses parents et lui-même, en tant que Témoins de Jéhovah, s’opposent à cet acte médical interdit par leur religion. Un conflit juridique autant que moral entre l’hôpital et le patient. Fiona Maye va devoir rendre son jugement en tenant compte de l’intérêt de l’enfant, sachant qu’elle « n’avait pas pour tâche ou mission de le sauver mais de prendre une décision raisonnable et conforme à la loi »…
D’un côté nous avons Fiona Maye, proche de la soixantaine, sans enfant, très/trop prise par son métier au point d’être au bord de voir exploser son couple. De l’autre, Adam, ce jeune homme pas encore majeur, à quelques mois près, très intelligent, poète à ses heures. Afin d’avoir toutes les cartes en main avant de se décider, la juge, dans une démarche sortant de l’ordinaire, se rend au chevet du malade pour mesurer son attachement à sa religion, exprime-t-il sa propre volonté réfléchie ou est-il influencé par ses parents ? Au terme de longues discussions, l’adolescent accepte la transfusion mais le roman ne s’arrête pas là, heureusement.
S’engagent alors des rapports troubles entre le jeune homme et la magistrate. Adam, s’estimant sauvé grâce à l’écoute bienveillante accordée par Fiona Maye à ses arguments qu’aujourd’hui il renie, lui voue désormais une sorte de passion intellectuelle encombrante. Il lui envoie ses poèmes et va même la suivre dans l’espoir de pouvoir avoir de longues discussions avec elle. Empêtrée dans ses problèmes de couple et ne sachant pas comment manœuvrer face au jeune homme devenu envahissant, celle qui aura sauvé la vie de l’adolescent deviendra à son insu, l’instrument d’un destin funeste…
Très beau roman de Ian McEwan, d’une élégance rare. J’ai un peu craint l’ennui au début, scènes de prétoire et références à des jurisprudences, mais ce n’était que passager. Le bouquin met en valeur la difficulté du métier de ces juges, les conflits moraux et d’éthique qu’ils doivent résoudre, d’autant plus dramatiques qu’ils touchent des enfants ou de jeunes êtres. Il y a la Justice qui se veut froide et à cheval sur les textes de loi et puis il y a les souffrances où la vie des victimes est en jeu ; de ces deux plateaux, le magistrat doit faire éclore une solution qui réponde au mieux à l’intérêt de l’enfant.
« Dans les années quatre-vingt, un juge aurait encore pu placer l’adolescent sous tutelle judiciaire et le rencontrer au tribunal, à l’hôpital ou chez lui. A l’époque, un idéal plein de noblesse avait par miracle survécu à la modernité, cabossé et rouillé comme une armure. Au nom du monarque, les juges avaient été des siècles durant les gardiens des enfants de la nation. Désormais, les travailleurs sociaux les remplaçaient et rendaient compte de leur mission. Lent et inefficace, l’ancien système préservait le contact humain. Désormais il y avait moins d’attente, et davantage de cases à cocher, de rapports à croire sur parole. La vie des enfants étaient archivée dans la mémoire des ordinateurs, avec exactitude, mais un peu moins de bienveillance. »
Ian McEwan L’Intérêt de l’enfant Gallimard – 229 pages –
Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon
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